Le Bouclier de Minerve

Atlas des industries de l'armement

 
Nos différentes approches
 

Atlas des industriels de l'armement

 
 
 

Approche économique

L'approche économique contextualise le monde de l'industrie d'armement en lui offrant un cadre normatif, tant au niveau économique, qu'historique ou juridique.

 
 
 
 
 

FONCTIONS REGALIENNES


Une industrie qui relève, à l’origine, de la fonction régalienne de l’État et est, d’abord, une industrie nationale.


Fonction régalienne et entreprise nationale


Les droits régaliens, droits essentiels de l’État, comportent en particulier la défense, ce qui implique les moyens d’exercer cette fonction régalienne, par conséquent de disposer des armements nécessaires.


Pour satisfaire ses besoins en matière d’armement, l’État a le choix entre plusieurs types de solutions :


  • développer une solution nationale ;
  • participer à une coopération internationale, par exemple européenne ;
  • acquérir des matériels par achat à l’étranger.


La fonction peut être mixte :


Dans la pratique, la solution peut être mixte, en fonction des matériels concernés : c’est le cas de la France, qui dispose d’une industrie nationale (NEXTER, NAVAL GROUP ex DCNS), qui a développé des grands groupes de taille mondiale dans leur domaine (DASSAULT AVIATION, THALES, SAFRAN) ; elle est partie prenante dans des entités internationales (AIRBUS, MBDA) et dans des projets européens (programmes gérés par l’OCCAR), mais est également conduite à acquérir des matériels à l’étranger (drones MQ-9 REAPER construits par la société américaine General Atomics) ou acquisition du remplaçant du FAMAS auprès de la société allemande Heckler und Koch ( 117 000 armes HK 416F seraient à livrer de 2017 à 2028).


Au niveau d’un Etat, le marché militaire constitue un espace fermé, très contrôlé, dans lequel interviennent :


  • l’État en tant que client ;
  • l’État peut jouer les deux rôles de fournisseur et de client (société nationale d’armement fournissant l’armée nationale) ;
  • un ou plusieurs industriels comme fournisseurs, ceux-ci ayant recours à des équipementiers et des sous-traitants.


A titre d’exemples, pour la France, l’avion de combat de l’Armée de l’Air et de l’Aéronautique navale est le Rafale, construit par Dassault Aviation.


Les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et d’attaque (SNA) sont construits par NAVAL GROUP (Cherbourg).


Le programme SCORPION de rénovation de l’armée de terre est confié à un consortium comprenant NEXTER, THALES et SAFRAN.


Autres exemples : le chantier naval de Newport News Shipbuilding -Virginie (société Huntington Ingalls Industries) est le seul constructeur des porte-avions à propulsion nucléaire de l’US NAVY et l’un des deux constructeurs des sous-marins nucléaires de l’US NAVY, l’autre constructeur étant Electric Boat Groton (Connecticut), une des entités du groupe General Dynamics ; ces deux groupes construisent également une part très importante des navires de surface de l’US NAVY.


L’État exprime ses besoins et en finance le développement pour un armement d’un coût élevé.


L’industriel sélectionné peut apporter ses suggestions pour améliorer les performances. Plus rarement, des industriels peuvent développer des armements sur « fonds propres » : c’est le cas du patrouilleur hauturier l’Adroit, « concentré de nouvelles technologies », prototype conçu et construit par Naval Group, confié à la Marine Nationale une partie du temps pour acquérir une qualification « sea proven ».


Pour des raisons de coût se développent les achats « sur étagère », le recours à des techniques civiles (plateformes des BPC de la série Mistral construites par STX Saint-Nazaire selon les normes civiles, la « militarisation » étant assurée par NAVAL GROUP). La tendance est cependant aux programmes développés en coopération au niveau européen (Agence Européenne de Défense, OCCAR).


Ce secteur industriel englobe des activités découlant des responsabilités régaliennes de l’État.


Il s’agit donc :


  • d’un secteur vital pour la sauvegarde des intérêts stratégiques de la nation et donc de domaines « sensibles » ;
  • d’activités très strictement réglementées, non seulement en termes de production mais également de vente et plus particulièrement d’exportation (en France, contrôle de la CIEEMG commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre, sous l’autorité du Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale) ;
  • d’entreprises, dont la détention du capital et l’exercice des activités, au moins pour celles considérées comme « stratégiques » pour la Défense Nationale, sont très contrôlés par l’État.


Le développement d’une industrie nationale est clairement affiché par certaines nations.


Celui-ci est destiné à répondre aux besoins des armées nationales mais aussi à développer, à terme, l’exportation. L’Inde et la Chine, chacune avec leurs objectifs particuliers, constituent des exemples notables.


Détention du capital et contrôle de l’Etat


Le contrôle du capital (détention de 50% des droits de vote au minimum) est essentiel pour la désignation des organes dirigeants et la détermination de la stratégie et des grandes orientations de l’entité. L’appartenance au domaine régalien de la défense conduit nombre d’États à détenir le contrôle des sociétés nationales d’armement. La stratégie de ces sociétés est déterminée directement par les États. L’impératif de rentabilité est second, la continuité de l’activité est assurée par l’État qui couvre, le plus souvent, les résultats déficitaires.


On constate, dans certains pays (USA, UK), une prédominance de sociétés cotées, dont l’État reste le premier client et dispose, de ce fait, de moyens de contrôle « économique ». Mais la cotation implique des contraintes particulières.


Le contrôle juridique peut être assuré :


  • soit directement, par la détention majoritaire du capital social ;
  • soit indirectement, par exemple, par convention conclue entre l’État et l’entreprise, relative aux actifs et filiales stratégiques, par le droit de l’État de faire nommer des représentants sans voix délibérative, golden share (action spécifique) …

Des entités étatiques ou contrôlées par l’État


France : NAVAL GROUP (contrôle à 65%) ; NEXTER est contrôlée juridiquement à 50% par l’intermédiaire de la holding KNDS détenue à parité par GIAT INDUSTRIES et  WEGMANN GmbH & Co KG.


Italie : Fincantieri (via Fintecna, contrôlée par le Ministère italien de l’économie).


Espagne : Navantia (détenue par SEPI, dépendant du Ministère espagnol de l’économie et du trésor).


Russie : Sociétés holdings regroupant des entités spécialisées par domaines d’activité.


Chine : Structure comparable ; par exemple : CSSC China, State Shipbuilding Corporation contrôle presque tous les chantiers navals chinois.


Inde : Hindustan Aeronautics Limited, Indian Ordnance Factories.



Des sociétés privées


De nombreuses PME sont sous-traitantes de grands groupes et ne figurent pas dans ce classement. Elles sont actives sur des créneaux spécifiques, soit dans de hautes technologies, soit dans la fabrication de matériels robustes, simples, faciles à utiliser.


Dépendance de la commande publique


  • Un contexte de crise économique et un environnement financier contraint pour les pays occidentaux mais une évolution contraire des budgets militaires dans d’autres pays du monde, en Asie en particulier.
  • Le contexte géopolitique exerce une influence importante sur la politique budgétaire en matière de dépenses militaires et sur le commerce international des matériels d’armement (voir &2 de ce chapitre et chapitre 2 approche par grandes zones régionales).


La nature de l’activité 


Trois grandes natures d’activité


La conception et la fabrication de matériels localement.

C’est le cas des grands États qui disposent de moyens importants pour concevoir, développer et fabriquer des matériels militaires complexes, en particulier des systèmes d’armes. Ces États sont également, le plus souvent, exportateurs.


Toutefois, nombre d’États sont également ou uniquement concepteurs et
développeurs de matériels nécessaires à leur défense : char de combat, véhicule
blindé, frégate ou corvette et de matériels légers, d’armes individuelles et de
munitions. Ils peuvent, dans ce cas, être importateurs de systèmes d’armes plus
complexes (avions de combat, sous-marins).


La construction sous licence.

Celle-ci peut prendre différentes formes : construction d’un ou plusieurs matériels dans le pays vendeur puis des exemplaires suivants dans et par le pays acheteur, construction directe dans le pays acheteur, etc. Elle implique, généralement, un transfert de technologie, de savoir-faire et de formation du personnel du pays utilisateur.


L’entretien et le maintien en condition opérationnelle (MCO).

Le MCO peut être effectué par l’acheteur ou avec l’assistance du vendeur, en fonction de la complexité relative du matériel. L’entretien peut être réalisé par l’industriel, par un chantier civil, dans une base militaire ou, directement, sur le terrain opérationnel.


Part relative de l’activité militaire dans l’activité totale


Les activités duales

L’acception première du terme « dual » concerne des matériels, biens et technologies à double usage (civil ou militaire).

  • Ces matériels font l’objet d’une réglementation particulière en matière douanière (sur le plan européen et sur le plan national). Le Ministère de la Défense soutient les projets innovants de PME duales, des activités de recherche et de l’industrie duale (dont les applications intéressent à la fois les marchés militaires et civils).
  • Activités de défense et activités civiles : en période de crise, les entreprises jouent la complémentarité :
    • Soit dans des activités duales, au sens premier du terme ;
    • Soit par des activités diversifiées.

Fincantieri, contrôlée par l’Etat italien, exploite des chantiers navals militaires en Italie, aux Etats- Unis et à Abu Dhabi (EAU), et est devenue un des leaders mondiaux de la fabrication de paquebots de croisière.


Naval Group, concepteur et fabricant de navires de guerre, développe des activités dans les énergies marines renouvelables (hydrolien, éolien flottant, énergie thermique des mers, énergie houlomotrice) et l’énergie nucléaire civile.


Dassault, concepteur et fabricant des principaux avions militaires équipant l’armée de
l’air française (Mirage, Rafale) réalise près de 70% de son chiffre d’affaires avec la gamme d’avions d’affaires FALCON Toutefois, la part relative des deux activités est susceptible d’évoluer, du fait d’une morosité du marché des avions d’affaires et en fonction de l’importance des commandes de Rafale.


La part relative de l’État dans l’activité

Le paragraphe concernant les sociétés cotées en Bourse présente le pourcentage de l’activité militaire dans l’activité totale des sociétés citées.
Ce pourcentage est extrêmement variable suivant les groupes : toutefois, il est supérieur à 50% pour sept des dix premiers groupes mondiaux et reste significatif pour les autres groupes.
Il en est de même pour la plupart des groupes industriels contrôlés par l’État : ce contrôle est directement lié à la nature de l’activité exercée par ces entités, dans le cadre de la fonction régalienne de l’État mais également du rôle « d’entrainement » que peut exercer l’industrie militaire dans le développement du secteur industriel national.


Une industrie de hautes technologies, de recherche et développement et de programmes majeurs couvrant plusieurs décennies


Une industrie de hautes technologies


Une industrie de hautes technologies se caractérisant par :


  • l’importance de la R&D, impliquant notamment :

    • une collaboration avec des universités et des laboratoires de recherche ;

    • le développement de programmes complexes ;

    • une recherche avec des retombées civiles ;

  • l’utilisation de technologies civiles, par exemple la plateforme des BPC ;

  • un besoin de matériels robustes dans des conflits asymétriques, les coûts croissants de certains matériels (avions de combat en particulier) conduisent des clients potentiels à se tourner vers des matériels plus robustes et moins coûteux.


Des programmes majeurs couvrant plusieurs décennies :


  • les grands programmes s’étendent sur des dizaines d’années entre les phases de recherche, de définition des besoins et de conception et le retrait du service actif ;

  • ce sont des programmes techniquement complexes, qui nécessitent une gestion extrêmement précise tant sur le plan industriel que sur celui du management ;

  • les contrats correspondant à ces programmes sont également complexes, générateurs de risques importants (voir chapitre Gestion des risques) et comportent souvent divers aspects complémentaires. Fourniture de pièces de rechange, formation, offset et compensations, voire transferts de technologie (exemple : marché des sous-marins australiens obtenu par Naval Group) ;

  • la gestion des grandes entreprises, maîtres d’œuvre de ce type de contrats, nécessite d’équilibrer l’activité par des contrats plus « classiques » (montants inférieurs à 100M).



Le spectre de l’industrie d’armement


L’industrie d’armement peut être présentée selon les composantes de base suivantes :


L’industrie d’armement peut être présentée selon les composantes de base suivantes :


  • Composante terrestre
  • Composante aérienne
  • Composante navale
  • Composante électronique de défense : systèmes d’information, de commandement, de combat...
  • Cyberdéfense
  • Innovation, recherche et développement


Certaines armes et systèmes d’armes sont communs à plusieurs composantes, moyennant certaines adaptations, par exemple aéronefs de l’Armée de l’Air, de l’Aviation légère de l’Armée de Terre (France), l’Aéronavale (Aviation embarquée sur porte-avions ou porte- aéronefs), l’Aviation de Patrouille maritime, l’Aviation garde-côte. A titre d’exemple, le Rafale équipe l’Armée de l’Air et la Marine Nationale.


Spécialisation ou intégration verticale : le maître d’œuvre est responsable de la plateforme au système de combat.


Les matériels complexes impliquent, sous la direction du maitre d’œuvre, l’intervention d’équipementiers et de sous-traitants spécialisés.


Certains industriels sont spécialisés dans une composante (par exemple, Huntington Ingalls Industries est l’un des deux constructeurs de sous-marins et l’unique constructeur des porte- avions nucléaires de l’US Navy).


L’armement des navires implique l’intervention d’autres systémiers/ équipementiers pour la propulsion, les systèmes électroniques, l’armement, voire l’aviation embarquée.


D’autres industriels développent des compétences dans plusieurs composantes.


Par exemple, BAE Systems intervient :


  • dans la composante aéronautique : Eurofighter, Tornado, AV-8B Harrier et est partenaire du projet F-35 Lightening II ;
  • dans la composante terrestre : char de combat Challenger II, obusier M777
  • Howitzer, véhicules de combat Bradley ;
  • dans la composante navale : sous-marins nucléaires d’attaque de la classe ASTUTE, destroyer anti-aérien type 45, porte-avions de la classe Queen Elisabeth.


Les grands programmes impliquent souvent la mise en œuvre de partenariats :


  • F-35 Lighhtening II : Lockheed Martin Corporation en partenariat avec Northrop Grumman et BAE Systems.
  • F-22 Raptor avion de suprématie aérienne : Lockheed Martin Corporation, Boeing, Pratt & Whitney.
  • AEGIS système naval de missiles de défense : Lockheed Martin Corporation, Raytheon, Boeing, ATK, Honeywell Inc laboratoires John Hopkins University et MIT.
  • Programme Scorpion : groupement de Thales, Nexter, Sagem.





Mise à jour : août 2019

 
Armée